Les origines du Code civil japonais
Abstract
The Minpō-ten, the Japanese Civil Code, will soon be 120 years old. Still nowadays, it is one of the most important pieces of the Japanese legal system and it serves as a model for many other Asian countries. The Japanese code assumes various roles in the Japanese history, in national politics as well as in law. It has been the first code enforced in an East Asian country, carefully worded. As such it has been an important step toward the renegotiation of the Unfair Treaties, which were subjugating Japan under Western powers. Its authors drafted it to be the result of the deepest and most innovative knowledge of its time. The aim of this article is to trace back the steps of its elaboration and to show the original features of this work. This code belongs to the civil law tradition, and it remains the most important law drafted with the help of the comparative legal method.
The choice of a civil legal organisation of law was at first a constrained one. The codification was then seen as one of the most important ways for Japan to be released from the yoke of Western powers. Therefore it had to be quickly enforced. In the 1860s’, French law was the main model of a unified and synthetized legal system. It was the only one to be promptly imported. Several attempts of codification failed before the Minpō was drafted. The Japanese government first ordered the translation of the Napoleon Code and then invited a French expert to prepare a text. It was the second French expert, Boissonade, whose draft failed only before being enforced. Finally, three young Japanese lawyers – Hozumi, Tomi’i and Ume – succeeded in the task.
All three of them were educated in Western countries: France, England and Germany. They chose comparative law in order to elaborate the best draft possible and they critically combined German and French legal techniques without imitating any legislation. As a result, the Japanese Civil Code is driven by an innovative spirit, which merges different legal theories such as the Historical School, positivism, and the New School of Natural Law.
Résumé
Le Minpō-ten, le Code civil japonais, aura bientôt 120 ans. Il reste aujourd’hui encore une pièce maîtresse du droit japonais contemporain, un modèle pour un grand nombre de pays asiatiques. Son rôle est à la fois historique, politique et juridique : premier code civil de l’Asie orientale, ce texte réalisé avec un soin tout particulier, a été une étape fondamentale dans la renégociation des traités injustes qui asservissaient le pays à l’égard des puissances occidentales. Ses auteurs ont fait en sorte qu’il soit le fruit des connaissances les plus pointues et les plus novatrices de son époque.
L’objectif de cet article est de retracer les étapes de son élaboration et de montrer le caractère original de cette création. Ce code inscrit le droit japonais dans la tradition civiliste ; il est la plus grande œuvre réalisée à ce jour sur la base de la méthode comparative.
Le choix d’un système civiliste par le Japon était initialement un choix contraint : la codification étant comprise dès le départ comme la clé pour l’émancipation à l’égard du joug occidental, elle devait être rapidement menée. Or dans les années 1860, le droit français était le principal modèle de droit unifié et synthétique, il était seul à pouvoir être rapidement importé. Plusieurs tentatives ont échoué avant que le code ne voie le jour : le gouvernement a d’abord fait traduire le Code Napoléon, puis il a invité un premier expert français afin qu’il élabore un texte, le second fut Boissonade, dont le travail connut l’échec juste avant d’entrer en vigueur. Ce furent finalement de jeunes juristes japonais, Hozumi, Tomi’i et Ume, qui menèrent le travail à bien.
Formés à des écoles différentes – française, anglaise et allemande – ils choisirent la voie du droit comparé afin de réaliser le meilleur texte possible, ils allièrent de manière éclairée techniques françaises et techniques allemandes, sans simplement copier les législations de ces pays. Au final, le code civil japonais est animé par un esprit novateur, qui mêle les théories de l’école historique, le positivisme et la nouvelle école de droit naturel.